© photo normand chaurette 2016

 

Parmi les interprètes avec qui j’ai travaillé au cours des trente dernières années, Christiane Pasquier est l’une de celles qui m’a le plus convaincu du miracle de la transformation. Elle est à l’univers théâtral ce que la chrysalide est au monde de la morphologie.

Chez elle, tout commence par une appréhension de la terreur, une sorte de compréhension instinctive qu’un personnage n’est rien. Qu’une immense portion de hasard dans le chaos de l’existence, une construction mystérieuse qui sollicite pêle-mêle le potentiel tragique, absurde, dérisoire, et hasardeux de l’humaine solitude.

 

Elle entre dans l’enveloppe d’un personnage et en porte le sort qui lui est dévolu par le texte avec un courage fou qui lui permet d’avancer, malgré ses doutes, vers cet autre qu’elle va incarner, jusqu’à disparaître elle-même pour en devenir le corps, la voix, et l’âme.

 

Comment? L’immense arsenal technique qu’elle maîtrise jusqu’au bout des doigts, et qui en fait une bête de scène si redoutable, ne semble même pas lui porter secours au commencement. Impossible pour elle de ne pas repérer, d’instinct, la zone d’inconfort.

 

Dans l’étape initiale où elle apprivoise un texte, les yeux de Christiane sont pour moi les seuls indices de l’imago, ce silence qui accompagne l’indicible travail de son regard, sur le texte, où l’acte de lire est parallèle à l’apprivoisement du sens, le vrai parcours ne se voit pas, on ne perçoit qu’une addition d’inconnues comme si le travail de devenir un personnage la confrontait d’abord à ses propres sentinelles fragiles, ses propres vides, ses propres descentes, quitte à envisager sa propre mort. Tous, metteur en scène, auteur, assistants, qui sommes témoins de ce vertige ressentons le même éblouissement dans l’avancée miraculeuse de Christiane devenant Martha, dans Ce qui meurt en dernier, devenant Élisabeth, dans Les Reines.

Or elle est la seule à ne pas savoir. C’est au point que je l’ai entendue livrer des vérités stupéfiantes sur le personnage avant même qu’elle soit capable de raccorder ses intuitions dans un tout psychologique et humain.

 

Christiane Pasquier est l’une des rares comédiennes qui puisse sans le formuler aider un auteur à préciser l’écriture de son personnage. Tout se passe en dehors de la logique, du rationnel, de l’objectivité. Un jour, lorsque l’échéance des répétitions touche à sa fin et qu’apparaît enfin le personnage, tout le trouble originel de Christiane semble n’avoir jamais été. Il aurait disparu au profit d’une structure si limpide que c’est à notre tour de ressentir l’effroi de la complexité humaine. Comme lorsqu’on contemple, ébahi, la pureté des ailes d’un argus, la variété de ses couleurs, de ses textures et de ses mécaniques aussi fragiles qu’infaillibles. Chrysalide, nymphe, sphinx, monarque ?

 

Je crois qu’au fond, Christiane est une amoureuse. Dès qu’elle entre en scène, l’ineffable beauté qu’elle propose nous fait aller droit à l’âme du personnage, droit à sa blessure essentielle.

 

 

© photo normand chaurette 2016

 

Parmi les interprètes avec qui j’ai travaillé au cours des trente dernières années, Christiane Pasquier est l’une de celles qui m’a le plus convaincu du miracle de la transformation. Elle est à l’univers théâtral ce que la chrysalide est au monde de la morphologie.

Chez elle, tout commence par une appréhension de la terreur, une sorte de compréhension instinctive qu’un personnage n’est rien. Qu’une immense portion de hasard dans le chaos de l’existence, une construction mystérieuse qui sollicite pêle-mêle le potentiel tragique, absurde, dérisoire, et hasardeux de l’humaine solitude.

 

Elle entre dans l’enveloppe d’un personnage et en porte le sort qui lui est dévolu par le texte avec un courage fou qui lui permet d’avancer, malgré ses doutes, vers cet autre qu’elle va incarner, jusqu’à disparaître elle-même pour en devenir le corps, la voix, et l’âme.

 

Comment? L’immense arsenal technique qu’elle maîtrise jusqu’au bout des doigts, et qui en fait une bête de scène si redoutable, ne semble même pas lui porter secours au commencement. Impossible pour elle de ne pas repérer, d’instinct, la zone d’inconfort.

 

Dans l’étape initiale où elle apprivoise un texte, les yeux de Christiane sont pour moi les seuls indices de l’imago, ce silence qui accompagne l’indicible travail de son regard, sur le texte, où l’acte de lire est parallèle à l’apprivoisement du sens, le vrai parcours ne se voit pas, on ne perçoit qu’une addition d’inconnues comme si le travail de devenir un personnage la confrontait d’abord à ses propres sentinelles fragiles, ses propres vides, ses propres descentes, quitte à envisager sa propre mort. Tous, metteur en scène, auteur, assistants, qui sommes témoins de ce vertige ressentons le même éblouissement dans l’avancée miraculeuse de Christiane devenant Martha, dans Ce qui meurt en dernier, devenant Élisabeth, dans Les Reines.

Or elle est la seule à ne pas savoir. C’est au point que je l’ai entendue livrer des vérités stupéfiantes sur le personnage avant même qu’elle soit capable de raccorder ses intuitions dans un tout psychologique et humain.

 

Christiane Pasquier est l’une des rares comédiennes qui puisse sans le formuler aider un auteur à préciser l’écriture de son personnage. Tout se passe en dehors de la logique, du rationnel, de l’objectivité. Un jour, lorsque l’échéance des répétitions touche à sa fin et qu’apparaît enfin le personnage, tout le trouble originel de Christiane semble n’avoir jamais été. Il aurait disparu au profit d’une structure si limpide que c’est à notre tour de ressentir l’effroi de la complexité humaine. Comme lorsqu’on contemple, ébahi, la pureté des ailes d’un argus, la variété de ses couleurs, de ses textures et de ses mécaniques aussi fragiles qu’infaillibles. Chrysalide, nymphe, sphinx, monarque ?

 

Je crois qu’au fond, Christiane est une amoureuse. Dès qu’elle entre en scène, l’ineffable beauté qu’elle propose nous fait aller droit à l’âme du personnage, droit à sa blessure essentielle.

 

 

normand chaurette

© photo normand chaurette 2016

 

Parmi les interprètes avec qui j’ai travaillé au cours des trente dernières années, Christiane Pasquier est l’une de celles qui m’a le plus convaincu du miracle de la transformation. Elle est à l’univers théâtral ce que la chrysalide est au monde de la morphologie.

Chez elle, tout commence par une appréhension de la terreur, une sorte de compréhension instinctive qu’un personnage n’est rien. Qu’une immense portion de hasard dans le chaos de l’existence, une construction mystérieuse qui sollicite pêle-mêle le potentiel tragique, absurde, dérisoire, et hasardeux de l’humaine solitude.

 

Elle entre dans l’enveloppe d’un personnage et en porte le sort qui lui est dévolu par le texte avec un courage fou qui lui permet d’avancer, malgré ses doutes, vers cet autre qu’elle va incarner, jusqu’à disparaître elle-même pour en devenir le corps, la voix, et l’âme.

 

Comment? L’immense arsenal technique qu’elle maîtrise jusqu’au bout des doigts, et qui en fait une bête de scène si redoutable, ne semble même pas lui porter secours au commencement. Impossible pour elle de ne pas repérer, d’instinct, la zone d’inconfort.

 

Dans l’étape initiale où elle apprivoise un texte, les yeux de Christiane sont pour moi les seuls indices de l’imago, ce silence qui accompagne l’indicible travail de son regard, sur le texte, où l’acte de lire est parallèle à l’apprivoisement du sens, le vrai parcours ne se voit pas, on ne perçoit qu’une addition d’inconnues comme si le travail de devenir un personnage la confrontait d’abord à ses propres sentinelles fragiles, ses propres vides, ses propres descentes, quitte à envisager sa propre mort. Tous, metteur en scène, auteur, assistants, qui sommes témoins de ce vertige ressentons le même éblouissement dans l’avancée miraculeuse de Christiane devenant Martha, dans Ce qui meurt en dernier, devenant Élisabeth, dans Les Reines.

Or elle est la seule à ne pas savoir. C’est au point que je l’ai entendue livrer des vérités stupéfiantes sur le personnage avant même qu’elle soit capable de raccorder ses intuitions dans un tout psychologique et humain.

 

Christiane Pasquier est l’une des rares comédiennes qui puisse sans le formuler aider un auteur à préciser l’écriture de son personnage. Tout se passe en dehors de la logique, du rationnel, de l’objectivité. Un jour, lorsque l’échéance des répétitions touche à sa fin et qu’apparaît enfin le personnage, tout le trouble originel de Christiane semble n’avoir jamais été. Il aurait disparu au profit d’une structure si limpide que c’est à notre tour de ressentir l’effroi de la complexité humaine. Comme lorsqu’on contemple, ébahi, la pureté des ailes d’un argus, la variété de ses couleurs, de ses textures et de ses mécaniques aussi fragiles qu’infaillibles. Chrysalide, nymphe, sphinx, monarque ?

 

Je crois qu’au fond, Christiane est une amoureuse. Dès qu’elle entre en scène, l’ineffable beauté qu’elle propose nous fait aller droit à l’âme du personnage, droit à sa blessure essentielle.