Ici s'achève, inachevée comme toutes les autres, cette conférence d'Irène. Ce mi bémol, faible en tous points, trop ténu d'un point de vue dramatique pour qu'il puisse opérer un decrescendo après le dérapage de cette femme en colère, est en outre un ultime sabotage.
Un personnage qui se sabote implique aussi que l'auteur se sabote lui-même.
Quel chanteur, international de surcroît, a besoin qu'on lui donne la note sur laquelle commence son air?
À supposer qu'Irène n'ait pas l'oreille absolue, ou que l'état de nervosité extrême dans lequel elle s'est mise lui ait ravi sa confiance, son réflexe aurait été de demander un la, ce qui aurait été largement suffisant.
C'est ici que j'obéis, par réflexe d'auteur, et par cette touche invraisemblable, à un instinct de vraisemblance: demandant un la, Irène aurait avoué une réelle incompétence dans l'esprit du spectateur qui, même s'il n'est pas musicien, reconnaît dans l'évocation du la une certaine référence à la pratique musicale. Or cette chute n'en demeure pas moins une tricherie de ma part, pour ne pas dire une fumisterie. Une chanteuse d'opéra qui demanderait un la avant sa prestation serait aussi suspecte qu'un prof de français faisant une faute d'accord en commençant une allocution.
Bref, mes conférences commencent la plupart du temps en lion, mais s'achèvent, peut-être en raison de leur dérapage, par une faillite d'un point de vue textuel.
Et c'est là, par ce la déguisé en mi bémol, que l'écriture en apnée du théâtre réclame pour sa survie l'intervention de la mise en scène. Dans Vulcanologues, tout comme dans Oiseau blessé, on ne peut que conclure à une mort réelle si des bruits, une intervention technique, une présence consignant l'impossibilité pour la conférencière de poursuivre, ne vient pas au secours du texte.
normand chaurette
normand chaurette