1997 - Six chansons pour Marie-Danielle Parent et Denis Gougeon

 

1.

 

Pâques!

Pâques mes agneaux

 

L’église du Matin

Ressuscite la fleur

Sur nos fronts de satin

Nous vîmes tout à l’heure

Un homme se pencher

Et nous pensâmes bien

Qu’il allait nous toucher

C’eût été le moyen

De nous ressusciter

Pourvu qu’il s’agenouille

Et qu’il veuille tâter

Nos mortelles dépouilles

 

Délivrées nous serions

Des tiroirs de la morgue

Or nous nous méprenions

Dans les échos de l’orgue

 

Encore un autre jour du désir qu’il exhorte

Aux fantasmes d’amour où nous resterons mortes.

 

 

 

2.

 

Je suis une défunte

Que l’ennui dévore

D’aucuns, je l’imagine

Jalousent la paix de mon repos

Mais je gis à l’étroit

Dans mon restreint tombeau

J’ai peur assez souvent

Qu’un spectre m’interroge

Quand je sonde le vent

Et que j’entends l’horloge

Je ne vois rien

Je ne sens rien

Je ne puis que penser

Et ne fais que penser.

 

 

 

3.

 

Je m'exprime de l’intérieur

Par de sombres cris

Que l’humidité altère

En des litanies étranges

Je perçois de la terre

Oooh -  l’éternité me guette

Un millier de petits bruits

Qui ne sont réellement

Que l’écho des faux diamants

Ils tombent  en s’effritant

Du collier

Que je porte indifférente

Depuis le jour

Depuis le jour

De mon enterrement.

 

 

4.

 

Ah mes pierres d’autrefois

Vous souvenez-vous

De la vie, cette époque

Où nous pensions que le trépas

N’était qu’absence

Qu'oubli ?

Comme vous, mes chères illusions,

Je suis une vraie fausse

A calculer dans la terre

Le nombre de jours qu’il me reste à rester

Immobile

Plus nombreux encore

Que mes regrets.

 

 

5.

 

Au terme d’une vie effrénée ponctuée par les plaisirs, je suis quant à moi une morte qui continue de rire. Je n’ai qu’à songer aux soirées fabuleuses  pour continuer de me sentir heureuse. Ceci n’est pas mon sépulcre, mais un lieu de plaisance où je mérite – enfin !!! – un tant soit peu de répit. Car s’il est agréable de mener une vie trépidante, il faut de temps en temps décompresser comme on dit la machine, et je n’aurai sans doute pas assez de toute mon éternité pour modérer le cours agité de mon ancienne routine.

 

 

6.

 

Tâchez de concevoir la plus ténue des luminosités

Et vous aurez peut-être une idée

De notre séjour dans l’obscurité

 

Qui nous invoque? Qui se souvient de nous?

Ni rien ni personne.

 

Autrefois nous courions au téléphone

Dans l’espoir que l’appel soit pour nous

Allô, allô, j’écoute?

Y a-t-il quelqu'un?

Allô? Qui est-ce qui parle?

Allô, -  al...lô...... hé... las

C'était toujours pour quelqu’un d’autre

Qui n’était pas dans les parages

Notre rôle consistait

Ni plus

Ni moins

Qu’à transmettre le message

 

Aujourd’hui ce n’est pas mieux

Nous décrochons avec lenteur

L’imaginaire récepteur

Pour entendre le timbre sérieux

De l' interlocuteur :

 

Ici la mort au bout du fil

De grâce ne raccrochez pas

C'est une colère inutile

De s' insurger contre le trépas.

 

 

 

 

 

 

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normand chaurette